Porc-no-graphie

Les voies du plaisir sont, pardonnez-moi l’expression, impénétrables. J’en sais quelque chose, car je suis une vraie cochonne. Une truie, de la famille des Landraces, pour être plus précise, réputée comme une race particulièrement courte et « voluptueuse ». Des atouts considérables lorsqu’on exerce dans mon champ d’expertise, domaine peut acclamé à haute voix, mais consommé de tous dans l’ombre. Je suis actrice porc-no-graphique. L’une des plus regardées au monde d’après mes taux d’audience. Pourtant, juchée sur l’expérience d’un millier et quelques de rapports sexuels aux intensités variées, aux thèmes intarissables et connotations diverses, de l’effeuillage au hardcore en passant par le BDSM, filmés sous tous les angles, limée par de vigoureuses bêtes, du musculeux Kintoa au fougueux Duroc, à tous les rythmes, dans toutes les positions possibles et imaginables, je dois vous faire un aveu : l’orgasme me demeure étranger. Les assauts de mes partenaires ne m’arrachèrent jamais que des cris simulés. De l’acting, comme on dit. Allons, vous ne pensiez tout de même pas que quelques coups de reins suffiraient à me faire défaillir au point de loucher, langue tirée, au bord de l’évanouissement, dans cette expression qui flatte si bien les mâles ? Je suis une actrice. Je joue. C’est mon métier. Du moins, cela l’était encore avant-hier soir. Avant que, pour la première fois de mon existence, se révèle à moi la terra incognita de l’extase sexuelle.

Saviez-vous que le « porc-no », à travers seulement trois sites internet majeurs, a comptabilisé plus de vues en moins de quinze ans que tous les visionnages cumulés de tous les médias dans le monde depuis la naissance de l’audiovisuel ? La prochaine fois que quelqu’un vous affirmera avec véhémence qu’il ne regarde pas de porc-no-graphie, il y a sept chances sur dix qu’il vous mente. Plus de gens en consomment chaque semaine que de gens ont accès à l’eau courante. Notre psyché est pétrie de désirs et de fantasmes, parfois inavouables et trop souvent inassumés. L’appellation elle-même n’est pas innocente : porc-no-graphie. Une combinaison du nom de notre espèce, d’une négation, et du mot graphie, dont l’origine grecque, « graphein », qui signifie « écrire ». Nous serions, quelque part, le symbole de la mort de la littérature. C’est amusant, quand on sait que nos académiciens et nos politiciens en consomment autant que n’importe qui d’autre, que ce soit sous forme de films, de revues ou de romans aux intentions ouvertement affichées comme les « 50 nuances de graisse » ou les œuvres du Marquis de Sale.

Pour en revenir à ma carrière, décortiquons un peu le sujet. Pour commencer, il semble évident que la volupté constitue un attribut de base. Certes, le fantasme se niche n’importe où, dans toutes les formes et toutes les carnations, mais disons que je fais le consensus, et présente une seconde caractéristique importante dans nos métiers : la petitesse. Un gabarit réduit met en valeur deux choses : le volume de mes mamelles, dont la générosité se trouve accentuée par ma courte taille, mais aussi et surtout les dimensions du sexe des mâles, qui dégagent à mes côtés une inquiétante sensation de disproportion. La vulnérabilité excite. Nous sommes nombreuses à remplir ces critères, alors comment se distinguer ? Pour ma part, c’est l’art subtil de se pâmer qui marqua mon envol haut au-dessus des cimes de l’amateurisme. Tout était une question de rythme et de courbe : se coucher lascivement, offerte, puis lancer le bassin pour imprimer un S gracieux dans la colonne. Ce sont la souplesse et la lenteur qui suggèrent à votre prétendant que vous serez une partenaire sensuelle. Puis, d’une contraction lombaire sèche, terminer le mouvement avec énergie et revenir sur ses pattes d’un élan puissant pour signifier la vigueur des ébats à venir. Un gracile hochement de tête accompagné d’un battement de cil achève en général de mettre le feu aux poudres.

Mais ma transition du statut de « professionnelle confirmée » à celui de « grande actrice », je la dois à mon sens de l’innovation. Dans la sexualité porcine, la truffe et la mâchoire ne jouaient qu’un rôle marginal, dédiés essentiellement à se renifler l’arrière-train, et parfois se lécher les flancs et le museau. Pas de quoi s’exciter outre mesure au-delà des préliminaires. Quelle ne fut donc pas la surprise de l’acteur, du réalisateur et de toute l’équipe de tournage lorsqu’un beau jour, sur un plateau tout de blanc tapissé afin d’évoquer une scène de nuit de noces, je plongeais le groin sur le sexe de mon partenaire et que, a renforts d’habiles caresses nasales et de coup de langue, celui-ci se mit à gémir et couiner en se raclant le dos au sol de plus en plus frénétiquement. Je venais de populariser l’art subtil du plaisir buccal. L’onde de choc « culturelle » me propulsa au firmament de la profession, et rapidement me parvinrent des cochons de rangs sociaux et d’origines diverses des propositions plus ou moins discrètes de rencontres « de courtoisie ». Malheureusement, elle attira également l’attention puritaine d’un tout autre monde. Plusieurs figures majeures de l’industrie furent appelées à comparaître, et c’est ainsi que Delphine Beautour de mon vrai nom, Tania Longgroin de mon nom de scène, sommité montante et emblématique de la très controversée « fellation », fut invitée à témoigner à la barre d’un des sanctuaires les plus sacrés de la politique moderne : l’Assemblée nationale.

Vous ne me croirez peut-être pas, mais le mâle qui m’ouvrit les portes du septième ciel est libraire. Je vous entends déjà ricaner : qu’est-ce qu’une actrice porc-no ferait dans une librairie ? Je suis une littéraire figurez-vous. Une dévoreuse même, avalant les bouquins plus que vite que les… enfin que mes contrats professionnels. J’engloutissais tout ce qui passait sous ma patte, avide de prose et d’idées neuves. À force de fréquenter un établissement, son propriétaire, Samuel, se piqua de me recommander des ouvrages proches de mes aspirations : « Orgueil et Lisier », « Voyage au bout de la Truie », « La Porcine Comédie », « Le Vieux Porc et la Mer », « Le Boudin Rouge et le Boudin Noir » et, bien évidemment, « La Ferme des Animaux ». Notre conversation littéraire dura des mois, et, de citations en jeux de mots, de traits d’esprit en locutions, déboucha sur une invitation à dîner. Ce n’est pas lui, cependant, mais moi, qui proposa au seuil de ma modeste porcherie un dernier verre. À la lueur de quelques bougies, je me pâmais sur la couche, exécutant la chorégraphie lascive qui avait taillé ma réputation. Quelle ne fut pas ma surprise quand, au lieu de se placer au-dessus de moi pour faire son affaire, le timide libraire poussa délicatement ma cuisse du museau pour l’écarter, et avant que je ne puisse réagir ou objecter, plongea le groin sur mon sexe pour le fourrager avec avidité.

Décrire ce qui s’ensuivit me semble complexe. Les mots manquent pour capturer la puissance de l’orgasme féminin. Les coups de langue répétés provoquaient une étrange sensation, diffusant dans tout mon corps des averses de plaisir, mais aussi de frissons incontrôlables. Je me tortillais pour espacer les succions, car chacune d’entre elles soulevait une vague plus haute encore que la précédente. C’était trop fort, trop intense pour pouvoir le supporter en continu. Et pourtant, il ne fallait surtout pas que cela cesse. Alors je le suppliais, l’écartant pour aussitôt le ramener à moi : « Oh oui, plus fort, plus lentement, comme cela… oui… » Pour la première fois de ma vie, les mots couvraient véritablement le spectre de mes désirs. Je ne jouais plus la comédie. Je ne louchais pas. Je ne tirais pas la langue. Je ne servais pas cette vulgaire parodie de ce que les hommes imaginaient du plaisir féminin. J’ondulais, je soupirais, j’attirais, repoussais, serrais, frottais, m’abandonnais complètement, jusqu’à ce que, la tête explosant d’une décharge orgasmique comparable à aucune autre, les sabots raclant de manière incontrôlable le sol battu de la couche, je finissais par retomber, terrassée par la jouissance, pour m’enfoncer dans un sommeil irrépressible. À mon éveil, il me contemplait paisiblement, ponctuant ses œillades de douces caresses du groin. Je lui demandais d’où lui venait cette merveilleuse pratique. Il rougit : « C’est vrai, cela t’as plu ? » Je confirmais énergiquement. « En réalité, je ne l’avais jamais fait auparavant, mais j’ai entendu parler de cette affaire, à l’Assemblée nationale, avec cette actrice qui doit y comparaître demain. Je me suis dit que si ce qu’elle fait donne autant de plaisir aux mâles, peut-être que cela valait la peine d’essayer avec une femelle. » L’ironie de la situation me transportait : il ne savait pas qui j’étais. Plus drôle encore : je lui avais inspiré la clef de ma propre jouissance. Je ne pus qu’exploser d’un rire joyeux qui ne manqua pas de le déconcerter : « Qu’y a-t-il ? C’était ridicule ? Je n’aurais pas dû ? » « Non, non, non, c’était merveilleux ! » « Mais alors quoi ? » « L’actrice qui passe demain devant l’Assemblée nationale, c’est moi ! » Consternation. Je pouvais le lire dans ses yeux, j’en avais la preuve à présent : il l’ignorait sincèrement. Ne pas lui laisser le temps d’y penser. Je me pâmais à son côté d’un air aguicheur : « Ce que tu m’as fait, je veux te le rendre. Je vais te faire vivre un moment inoubliable. » Mais il se redressa sur ses quatre sabots. Son expression avait changé, se muant en un masque préoccupé. Il dit qu’il ne pouvait pas, qu’il devait partir, mais qu’il me remerciait, la soirée avait été belle. Je lui intimais de rester, me roulant dans la paille avec toute la sensualité dont j’étais capable. Il refusa poliment. Il se levait tôt demain. « C’est parce que je fais du porc-no, c’est ça ? Tu es gêné ? » Non. Ce n’était pas ça. Il devait simplement y aller. Je n’insistais plus. Il fila sans même un dernier baiser. Et pour la première fois de ma vie, tandis que la porte claquait, les larmes ruisselèrent le long de mes joues pour un cochon.

C’est dans une humeur massacrante que l’Assemblée nationale me voit débouler. D’autant que, contrairement à ce que je m’étais imaginée, l’audition ne se déroule pas au palais Bourbier, mais dans une banale salle de commission. Il n’empêche qu’elle est pleine à craquer. J’ai mis le paquet : talons hauts, tenue légère, bijoux clinquants, maquillage aguicheur et lunettes de soleil, même en intérieur. Mon entrée déclenche un tumulte de murmures, et de quelques sifflements appuyés par des politiciens préférant user de la moquerie plutôt que d’assumer ce que je représente pour eux : un objet de désir. Un siège porte mon nom au premier rang. Je m’y place avec nonchalance. Déjà, une truie en tailleur strict et collier de perles monte sur l’estrade et me remercie de ma présence. Sa gravité contraste si bien avec le sujet qu’elle s’apprête à aborder. Elle explique que ma comparution devrait aider à trancher sur une problématique de mœurs, concernant une récente pratique « inquiétante » se développant dans les cercles de la porc-no-graphie. On appelle la pièce à conviction numéro 1 : « Boudin noir bouffé par une grosse cochonne ». C’est un extrait de film. La fameuse première fois que je fourrageais le sexe d’un imposant Patta Negra. Dans la salle, on se racle la gorge tandis que la scène prend fin. Les questions commencent. Oui, c’est bien moi dans la vidéo. Non, on ne m’a pas forcée. « J’ai fait mon travail. Ni plus ni moins. » Mais on a dû me dire quoi faire ! De qui cette pratique était-elle l’idée ? De moi. J’assume. Le collier de perles se renfrogne. Je crois qu’elle cherche un coupable. Tout cela ne pouvait, de toute évidence, pas être de mon fait, moi, pauvre femelle exploitée par la diabolique industrie de la porc-no-graphie. Mais surtout, quelque chose me dérange : quel est le crime ? J’allais vite le découvrir.

Le tailleur cède la place à un costume étriqué. Est-ce un air goguenard que j’observe sur cette face de porc joufflu débordant d’un col blanc comme une brioche de son moule ? « Mademoiselle, vous nous mettez dans une position délicate. » Je souris au choix des mots. Samuel aurait apprécié l’ironie, lui aussi. Il m’aurait recommandé un livre sur l’art de la rhétorique, ou un dictionnaire de contrepèterie. Mais Samuel est parti, sans rien dire, sans une explication. L’autre enchaîne : « Comprenez bien que vous êtes ici pour une affaire de mœurs. Les médias auxquels vous contribuez transfigurent et enlaidissent la sexualité, et corrompent la jeunesse en les incitant à des pratiques déviantes. » En réalité, je reconnais ce type. Vu à la télévision, et ailleurs, mais où ? Cela va me revenir. L’incongruité de la question provoque quelque chose qu’il n’a pas dû anticiper : un éclat de rire. J’ai retrouvé d’où je le connais. « Mademoiselle Beautour, je crains que vous ne saisissiez la gravité de la situation. » « Oh, mais si, monsieur le député, que trop bien même. » « Alors, qu’avez-vous à dire pour votre défense ? » Aboie-t-il. Le ton me sèche net. « Ce que j’ai à dire ? Ce que j’ai à dire ? » La tension est montée d’un cran dans la salle. Tous sont suspendus à mon rouge à lèvres à présent. « Je crois qu’il serait temps de ne plus juger le plaisir de tout à chacun. Si vous pensez que la fellation est répréhensible, peut-être devriez-vous essayer au préalable. » Le costard s’empourpre tout d’un coup. « Vous voyez, vous insistez en plus ! » se défend-il. « Mais enfin, arrêtez, un peu ! Je sais qu’au fond vous en mourrez d’envie, que je promène mon groin sur vous. Cessons l’hypocrisie ! Vous voulez que je vous dise ? Vous êtes tous bien contents, vous les porcs, que les truies s’adonnent inconditionnellement à votre plaisir. C’est sans arrêt le même scénario. La femelle est toujours l’objet, la récompense du mâle méritant après une longue journée de labeur. C’est elle qui s’habille sexy, se pâme de désir, supplie qu’on accepte de la prendre. Puis c’est elle qui innove, se compromet, se dégrade parfois, pour assouvir les fantasmes sans fond du soupirant. Et lui n’est là que pour la lime, pour impressionner et se faire mousser par sa performance, pour cette fichue compétitivité qu’il a ramenée du travail pour assurer sa domination grotesque jusque dans les draps du ménage. D’autant que ce n’est pas le reflet de la réalité. Vous savez ? Celle où le pauvre cochon revenu crevé du boulot préfère se toucher devant un film plutôt que de faire l’amour à sa femme pour jouir en moins d’une minute sans s’être préoccupé un seul instant de son plaisir à elle. Vous avez raison, monsieur le député : il y a un problème. Le porc-no est, comme son nom l’indique, pensé pour les porcs, pas pour les truies. Il est temps que cela change. »

C’est parti un peu dans tous les sens. Le costard tout boursouflé semble prêt à faire péter le bouton de son col. « Il est surtout temps qu’on régule cette industrie perverse qui corrompt notre jeunesse ! » Visiblement, il n’a pas eu son compte. Qu’à cela ne tienne. « En fait, vous avez doublement raison. Ce n’est pas la porc-no-graphie qu’il faudrait changer, c’est toute la société. Car non, nous ne corrompons pas la jeunesse. VOUS le faites ! » Stupéfaction. Ne pas le laisser redresser sa garde. Allez Tania ! C’est le nom que tu t’es choisi, c’est qui tu es, achève-le ! « Vous transfigurez l’image que les adolescents se font du sexe par puritanisme. Par votre trouille d’aborder la question. Les questions. Nous sommes une industrie de l’entertainement. Nous produisons des contenus de fiction pour divertir des adultes. Pensez-vous sincèrement qu’une truie hurle et fasse toutes les simagrées qu’on lui prête sous le coup d’un orgasme ? Bien sûr que non ! C’est une actrice, elle surjoue la réalité, comme dans n’importe quel autre film de n’importe quel autre genre. Pourtant j’observe des jeunes complètement mystifiés sur les réseaux sociaux. Je vois des filles reproduire ces expressions effarées tout droit sorties de nos studios comme si c’était la norme. Parce que les garçons y croient, parce que personne ne les a éduqués. Personne n’a prévenu nos jeunes porcs que tout ça, c’est de la comédie, et que les jeunes truies ne le font que parce qu’elles veulent les exciter en conformité avec le monde de la porc-no-graphie qui est la principale source accessible abordant les sujets de la sexualité. Mais c’est un miroir déformant, une fantaisie, une farce qu’ils prennent pour la réalité. Si seulement on osait les éduquer, leur dire que faire l’amour est quelque chose de beau et de sensible, dont le premier critère n’est pas la performance ou le surjeu, mais l’attention au plaisir de l’autre. Peut-être que si les adultes étaient un peu plus courageux, au lieu de se cacher derrière une fausse pudeur de bon ton, alors notre société ne s’en porterait que mieux. Peut-être que nos jeunes ne confondraient plus fantasme et réalité, et que mon métier serait enfin considéré pour ce qu’il est : une fiction. » « Mademoiselle Beautour ! Cela suffit ! » « Oh non ! Je vais d’abord vous dire une dernière chose : je n’ai jamais joui par pénétration de toute ma vie ! Pas une seule fois ! Voilà ! » Silence dans la salle. Le cochon en face de moi écarquille à présent de grands yeux. Je profite de l’apathie générale pour ramasser mon sac à main et m’élancer sur les marches en direction de la sortie. Le costume se reprend et m’appelle d’une voix aigre. Il dit qu’ils ont encore des questions à me poser, que je ne peux pas partir comme cela. Alors je lance à la volée : « Monsieur le député, si je vous manque, vous n’avez qu’à vous connecter à votre compte Porc-n-hub. Vous y êtes très actif, il me semble. » Et sans un mot de plus je me dérobe dans un claquement de talons sur le parquet de la salle d’audition avant d’en faire battre les lourdes portes. Plusieurs fous rires sont contenus avec peine lorsque les regards convergent sur le cochon d’état qui finit par se racler la gorge et murmurer : « C’était afin de monter le dossier. »

J’ai bien fait de porter des lunettes de soleil. Elles cachent mes larmes. Qu’ai-je fait là-dedans ? Qu’est-ce qui m’a pris ? Mon téléphone sonne. Je ne réponds pas. Second appel. Lorsque, enfin, je l’attrape pour le faire taire, le nom affiché me frappe : Samuel. Je veux décrocher, trop tard. Un message vocal : « Bonjour, Delphine, Tania, je ne sais pas ce que tu préfères. J’ai regardé ton audition à l’assemblée, et je voulais te dire que je t’admire beaucoup. Ce que tu as fait est d’un courage extraordinaire. Je dois aussi te demander pardon. Si je me suis enfui hier soir, ce n’est pas parce que tu es actrice. Cela m’est égal. Ce qui compte, c’est que tu fasses ce qui te rend heureuse. Mais en ce qui me concerne… ah, c’est difficile… Voilà, je suis asexuel. Je ne tire aucune satisfaction de l’usage de mon pénis. Ce n’est pas un défi que je te lance, juste une réalité que j’assume. Mais quand tu as eu un orgasme, hier, j’ai découvert une autre forme de plaisir extraordinaire : celle de te faire jouir. Je n’avais jamais éprouvé cela auparavant, et tu peux me croire, il n’y a rien de plus beau sur Terre que de te voir jouir. Sincèrement, sans comédie, sans triche. Je pense que… je… je pourrai passer ma vie entière à te satisfaire. Alors voilà, je te demande pardon, et si tu acceptes, je serai très heureux et touché de pouvoir à nouveau dîner avec toi un de ces soirs. Je t’embrasse. » Il a regardé le débat… Il est asexuel… Je… C’est… Une réponse tombe sous le sens, que je tape aussitôt sur mon écran tactile : « Veux-tu m’épouser ? » Les pommiers en fleurs ondulent sous la brise de printemps, parsemant la grande place de blancs flocons. J’envoie le texto et hume l’air parfumé, confiante. À partir d’aujourd’hui, je croquerais la vie à pleines dents au lieu de la lécher.

FIN

Vous voulez rémunérer notre démarche et, à terme, les auteurs que nous publions ?

Soutenez Réticule Newsletter sur Tipeee