Les violences faites aux balles et ballons

Personne.

Personne ne semble être sensible à un fléau qui pourrit la société depuis près de deux siècles : les violences faites aux balles et ballons en tous genres. Ballons de football, de basket, balles de base-ball, de ping-pong : tous souffrent du traitement qui leur est réservé chaque jour, d’autant plus lorsque cela se déroule devant un public venu en nombre pour assister à ce triste spectacle. Or, à ce jour, aucune radio, aucune chaîne de télévision, pas même une page de journal ne daigne dénoncer les attitudes inhumaines qu’endurent ces objets.

Cela fait pourtant de nombreuses années que j’ai pris ce problème à cœur. Très à cœur ai-je réalisé, après avoir écrit ceci sur mon blog, au sujet de ma rencontre avec un ballon Brazuca, utilisé pendant la Coupe du Monde de Football de 2014 qui s’est déroulée au Brésil :

« Né il y a trois mois et promis à une vie heureuse grâce à cette compétition, le ballon Brazuca que j’ai rencontré a très vite déchanté. Force est de constater que sa vie de ballon de football se résume à des séances quotidiennes de coups de pied et de coups de tête qui lui sont portés par dizaines avec un plaisir non dissimulé et un sadisme hors du commun. Le tout ayant lieu en public, il se sent humilié et sali. Une fois de plus, il vient d’être violemment frappé par le gardien de but et se prépare encore à subir un atterrissage particulièrement douloureux. »

Devenu difforme avant de crever, le temps de récupération de ce ballon s’est avéré bien trop court entre deux matchs de football auxquels il a pris part à trois jours d’intervalle. La vie tourmentée de ce ballon n’est malheureusement pas un cas isolé. Cela démontre qu’il faut de toute urgence adoucir les rapports que nous entretenons avec les ballons de football. Mais pas que, pas qu’eux. Balles de tennis, ballons de volley, palets de hockey sur glace : nombre de ses frères et sœurs subissent le même type de sévices tout au long de leur existence.

Cela, la Communauté des Objets Négligés (CON) le dénonce depuis l’origine même de ces activités sportives. Elle reconnaît que le passage à tabac des ballons a toujours existé en privé, lorsqu’un enfant joue dans le jardin d’une maison par exemple. Néanmoins, la situation s’est brusquement dégradée durant la seconde moitié du XIXe siècle, qui a vu la création du tennis, du football et du volley-ball. Ces nouvelles pratiques ont fixé des règles précises qui ont très vite donné lieu à la création de compétitions. Or, selon la CON, ce sont ces dernières qui ont démocratisé les violences faites à ces objets en public, lesquelles rassemblent parfois des dizaines de milliers de spectateurs venus par plaisir pour assister à ces exactions. Pire encore : de nos jours, on peut aussi y ajouter des millions de personnes qui peuvent suivre, en direct, ces scènes de violence gratuite devant l’écran de leur télévision, de leur ordinateur ou de leur téléphone portable.

Le but recherché par la CON est de limiter ces actes de maltraitance, avec et même sans public, avec l’espoir de pouvoir y mettre fin un jour. Pour tenter d’y parvenir, les débats sont animés et font circuler de nombreuses idées à la CON : fermeture définitive des enceintes sportives, obligation faite aux fabricants de balles et ballons de coller des épines sur leurs produits, limitation à dix du nombre de personnes présentes dans les tribunes d’un stade. Les propositions sont légion pour freiner « ces pratiques qui ne tournent pas rond » selon les militants de ce mouvement.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ces derniers ne sont pas uniquement des balles et ballons. Une centaine d’êtres humains, dont je fais partie, défendent mordicus le droit à l’intégrité physique et morale de ces objets. Cette communauté a d’ailleurs été créée par des personnes qui ont vécu, de près ou de loin, un drame lié à un objet sphérique. D’où une sensibilité extrême sur ce sujet : « Il y a six mois, je me promenais dans un parc avec ma fille de huit ans. Elle a ouvert un paquet de M&m’s qui sont tous tombés par terre, dans la boue. Elle n’a pas pu les manger et s’en veut énormément d’avoir dû abandonner ces boules de chocolat perdues dans une mare de gadoue. Elle ne parvient toujours pas à surmonter cet épisode très frustrant » raconte une mère de famille désemparée.

A contrario, une écrasante majorité de l’humanité justifie, par des arguments stupides, les coups portés de manière systématique à ces objets : « De toute façon, ils sont incapables de se déplacer de manière autonome. Alors plutôt que de déplacer un ballon de basket comme un vase, autant en profiter pour s’entraîner en faisant quelques lancers francs » justifie un fan de basket acharné. « Le football, ça crée un lien très fort entre les gens. Il disparaîtrait complètement si on leur interdisait de frapper les ballons » selon le maire d’un petit village picard. Une association dénommée « Laisse-sphère » revendique des milliers d’adhérents tous partisans de la pratique libre d’activités sportives avec des balles et ballons. Beaucoup sont des joueurs professionnels de football, de rugby ou encore de handball qui craignent de perdre leur emploi. Tous cherchent à se faire recruter par un club étranger afin de se mettre à l’abri du chômage pour pouvoir continuer à martyriser ces petits objets sous couvert de règles du jeu légitimant des attitudes dignes de bourreaux.

Faut-il alors laisser les choses en l’état ? Non ! La CON est passée à l’action en inondant les boîtes aux lettres du palais de l’Élysée avec l’envoi de huit courriers et quatre e-mails. L’objectif est d’obtenir l’organisation d’un référendum pour permettre aux Français de donner leur avis. La société est à fleur de peau sur ce sujet qui doit être le thème majeur de la prochaine élection présidentielle. Il est ainsi urgent que vous vous fassiez votre propre avis, et ce texte y contribue pleinement. Désormais, la balle est dans votre camp !

FIN

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Âgé de trente-deux ans, Nicolas travaille dans une université en tant que responsable d’un service d’accompagnement des étudiants en situation de handicap. Candidat au jeu télévisé Des chiffres et des lettres en 2018, il répond ponctuellement à des appels à textes.