Glitchovsky



C’est tout juste une histoire. Une histoire de bits, une histoire de geeks et une histoire d’amour. Pas comme dans les livres, pas encore, mais une histoire quand-même. Et jolie, j’espère.

Quand j’ai rencontré Marie, elle avait déjà la rage d’apprendre. Et toujours un crayon,  sur une oreille ou entre les dents. Elle aimait beaucoup les gens, même si parfois de loin. Elle aimait déjà les regarder, les comprendre, essayer de dessiner, avec une tendresse feutrée, leurs silhouettes imparfaites. Et puis moi, avant de la rencontrer, je me sentais creuse. Je me sentais un peu con aussi, mais ça, ça subsiste.

Quand j’ai rencontré Marie elle se demandait déjà qui était « je », cette personne impartageable, ce concept infini et minuscule, et quelles histoires on racontait avec son « je ». Autofictions, alterfictions, un grand théâtre de « je » qui peuplaient ses carnets.

Moi, avec le recul, je me dis que c’est marrant, elle pensait déjà le monde comme un entrelacement d’histoires. Qu’on se raconte, qu’on raconte aux autres. Et qu’on se la raconte aussi un peu. À ce moment-là, par contre, Marie n’avait pas trop d’amour pour les ordinateurs. Elle les voyait surtout comme un moyen, et contraignant qui plus est. Mais j’ai débarqué et – je n’en suis pas peu fière – je l’ai amenée à voir un peu de magie dans les pixels, les dédales de la Toile et l’étrange soupe cosmique qui gargouille dans les circuits de nos systèmes informatiques.

Alors quand elle a plongé dans le 2.0, évidemment, Marie y a plongé avec toute sa profondeur à elle. Directement elle a brûlé les étapes, elle a traversé l’écran, elle a surfé sur les .wav, les .dot, sur les RPG, les FPS, les memes, tout le cabinet et ses curiosités. Ce qui l’a questionnée, ce n’était pas le vernis, la plastique rutilante des productions dernier cri, non c’était le hardware. Qu’est-ce qu’il y a dans le « je » de l’ordinateur. Qu’est ce qui balbutie, qui déraisonne dans ces circuits ? Comment il nous raconte son histoire ? Comme avec nous, je crois qu’elle était bien plus intéressée par ce qui s’échappait des failles que ce qui était donné à voir sur la devanture. Et elle se demandait, face à la machine pataude, éclipsée par ses chimères numériques : comment dessiner, pour elle aussi, une silhouette belle et imparfaite ?

C’est donc naturellement que tout a commencé avec les glitches. La diffraction de l’image numérique. La première fois qu’elle a vu un glitch, c’était en jouant à un vieux jeu chez moi. Je dis « vu » mais je veux vraiment dire « remarqué » car des glitchs on en voit beaucoup, seulement comme tout dysfonctionnement on les oublie aussi vite qu’ils sont partis. Mais cette fois-là, en regardant son personnage flotter dans un éther immaculé après avoir traversé le décor, elle a réalisé à quel point les coulisses du numérique recelaient de merveilles. A partir de cet instant elle a commencé à apprécier, comme une irruption poétique, chaque film qui sautait, chaque jeu qui se déformait ou musique dénaturée par une lecture saccadée.  Le soir, chez elle, assise sur son lit dépareillé avec son vieux Mac sur les genoux, Marie cherchait à comprendre les messages difformes produites par les bégaiements virtuels du hardware. Mettre en une image en musique, un .png en .flac, dire un son en couleurs, exprimer un rythme en frame… Bref, tous les fantasmes qu’aurait eu Kandinsky s’il était né dans les années 90.


L’imaginaire de Marie aussi, il est devenu tentaculaire. Quand elle m’attendait à la sortie du boulot, je pouvais la voir, petite garçonne brune, penchée sur son carnet à croquis rempli de tubes, de lianes et d’algues. Elle dessinait des méduses, en bancs, en orbite, elle dessinait des arbres sinueux aux branches irrémédiablement imbriquées. Il lui en fallait toujours plus pour emmener avec elle des visiteurs au cœur de ses histoires labyrinthiques.

C’est un soir de concert que ça a dérapé. On était tous allés au Diamant d’Or, un rade improbable en pleine zone industrielle. Faxées entre deux boites d’import-export et des entrepôts en fin de vie, une centaine de mètres carrés laissés à l’abandon ont été sauvés de l’oubli par une association d’idéalistes. Une fiction collective, faite pour nous plaire. Avec toutes les volontés poétiques et pugnaces d’amateurs de musiques obscures, de bière, et de culture qui transpire, cette salle vraiment laide avait pris une âme incroyable. Il faut le voir, c’est à chaque fois une incantation ancestrale qui habite ces murs en béton défraîchi, cette scène pourrave à même le sol et cette fresque tropicale du meilleur mauvais goût, peinte sur le mur du fond. C’est chacune des âmes échouées ici pour un soir qui remodèle l’ADN de ce lieu mutant. C’est donc logiquement que le Diamant a hébergé notre expérience hors normes.


On avait tous beaucoup bu, même que Marie portait une casquette improbable qui écrasait ses boucles noires et lui donnait un faux air de gangster. Elle parlait de glitches, comme souvent dans ces temps-là. Qu’on devrait pouvoir glitcher toutes les créations, et pourquoi pas le monde, qu’il y aurait une classe incroyable à pouvoir générer des bugs subversifs partout dans la matrice. Les membres du groupe, complètement allumés, étaient geeks aussi. Qui ne l’est pas un peu aujourd’hui ? Ils ont adoré l’idée – à leur décharge ils en adoraient pas mal depuis quelques verres – et ils ont dit : « ok, branchons tout ce qu’on a sur nos amplis. On va faire un bœuf de glitches. » Et voilà qu’on était tous partis à la recherche de carcasses d’ordi avec encore un peu de souffle. Elles ont voyagé jusqu’au Diamant dans des paniers à vélo, en sac à dos, en cabas à roulettes ou à même les bras dévoués de mecs un peu saouls. Je ne pourrais plus vous dire combien de temps ça nous a pris mais toujours est-il qu’on a fini par lui monter un vrai mur d’écrans, tous branchés entre eux, tous reliés au son et, surtout, tous en face des orbites pétillantes de Marie. Elle s’était assise en tailleur, l’air d’une gosse à Noël, devant son aquarium d’images et avait posé un gros casque sous sa casquette. Ici je pense que je dois vous expliquer un peu la méthode, parce que figurez-vous qu’il y en avait une, on est peut-être des allumés, mais des allumés consciencieux. La base c’est d’accepter qu’on peut mentir à un ordinateur. Oui, messieurs dames, il est possible d’être plus malin que la boite à octets. Donc sur certains logiciels, on peut juste changer le format d’un fichier – prenons votre dernière photo de vacances par exemple – et dire qu’il s’agit en fait d’une musique. Bon public, votre ordinateur va essayer de donner du sens à ce charabia que vous lui balancez. Dans notre cas, on avait codé un programme en direct qui balançait dans un éditeur d’images tout le son qui lui provenait. Chaque note déformait l’écran à sa façon.


Les mecs ont commencé à jouer, d’abord tranquillement. Ils étaient cachés derrière la muraille de PC, il n’y avait pas assez de place dans la salle de concert pour tout mettre sur le même plan. Les lignes sursautaient, il y avait du carré de pixels à foison. Ça irisait dans tous les coins, on aurait dit une mosaïque possédée qui respirait au rythme de leur musique. Alors ils se sont emballés et ils ont joué de plus en plus fort, de plus en plus vite et de plus en plus déstructuré. Et s’il y a bien une chose qu’une pile d’ordinateurs entassés n’aime pas : c’est l’absence de logique. La musique, au fur et à mesure des improvisations, échappait au binaire. Je vous ai dit que le Diamant d’or n’était pas exactement le parangon des normes de sécurité. Je ne sais pas si c’est la poussière, si c’est l’installation improbable des tours les unes sur les autres, si c’est la jungle de multiprises qu’on avait installées mais toujours est il que ça a sauté. BOUM ! Tout d’un coup, les écrans ont clignoté et tous ensemble ils n’ont plus formé qu’un seul grand glitch. Le larsen nous a défoncé les oreilles alors qu’il explosait écrans et enceintes à tour de rôle. On est tous tombés au sol. Et putain, Marie, ça a tous été notre première pensée quand on s’est relevés. Elle n’avait pas bougé de son petit coussin en face du mur mais le souffle l’avait allongée sur le dos. Sa casquette avait roulé jusque sous une table mais son casque était toujours vissé sur ses oreilles. Elle ne bougeait pas et on a flippé. Je me suis levée pour aller la voir et je lui ai mis la main sur l’épaule. À mon contact, elle s’est un peu redressée et m’a regardée. Et là, je vous jure que pendant une seconde, ses yeux ont glitché. Juste une seconde puis elle avait cligné des yeux et j’ai cru que c’était une hallucination. Elle a enlevé le casque, qui collait fermement à ses oreilles et quelque chose a coulé de l’intérieur des écouteurs. Les circuits avaient totalement fondu.

Sur le moment je me suis demandé si une partie avait pu couler dans ses oreilles mais maintenant je pense sincèrement que oui.

On est plus à ça près en même temps, niveau vraisemblance de cette histoire.

Tout le matériel qu’on avait amené avait grillé et on s’était tous dit la même chose, silencieusement, Marie aurait pu mourir. Elle n’était pas morte et on avait tous dessoûlé d’un coup. Il fallait rentrer dans nos pénates et demain serait un autre jour. Et bon Dieu, qu’est-ce que demain allait être un autre jour !


Les premiers signes du changement de Marie (certains disent pouvoir, d’autres parlent de symptôme, moi je préfère voir ça comme une évolution logique de sa personnalité) sont apparus sans que personne n’en comprenne le sens. Partout où elle allait et rencontrait un système informatique il se mettait à résonner à ses pensées. Avec le recul je me rends compte que le premier signe a été vraiment anecdotique. On était posées chez moi, sur mon canapé, lovées dans la pénombre après un film. Mon ordi avait buggué plusieurs fois mais pour être honnête c’est uniquement de son ressort. On avait laissé tourner le générique et le vidéoprojecteur envoyait sur mon mur des noms d’acteurs plus ou moins inconnus. Puis tout s’est mis en veille, et le rectangle projeté est devenu à peine plus sombre que la nuit environnante. Prise dans la conversation, je n’ai pas tout de suite remarqué le premier tentacule qui ondulait légèrement en haut du rectangle noir.  L’une après l’autre des dizaines de méduses se sont mises à flotter à l’intérieur de mon écran de veille. Je ne voyais pas bien les yeux de Marie mais je suis certaine qu’à ce moment-là, il y avait un glitch qui venait distordre son iris. Sur le moment j’imagine que j’aurais dû m’inquiéter ou tout du moins être intriguée. Je ne sais pas si c’était ce qu’on avait fumé mais je n’ai rien ressenti de tout ça. Marie souriait paisiblement. Je l’ai juste pris comme une apparition bienvenue. L’idée que son cerveau puisse créer sa propre camera obscura, sur le moment, ça m’allait plutôt bien.

Les autres troubles sont arrivés très vite, comme une chute de dominos. Au fond ça n’aurait pas été grand-chose si ça n’avait pas inquiété les gens. Et si ça ne fatiguait pas Marie jusqu’à l’évanouissement. Le moindre écran, la moindre tablette dans un rayon d’1 mètre se faisait happer par son nouvel imaginaire boulimique. Et affichait, affichait ses idées, en direct live. Alors elle créait, inlassablement et pratiquement à son insu et cette création bordélique la vidait de son énergie. C’était un samedi après-midi, alors qu’on aurait tous dû faire attention, qu’on a merdé prodigieusement. On voulait s’acheter quelque chose, une BD je crois, qu’on ne trouvait pas dans nos boutiques préférées et par dépit on a filé vers la FNAC. Je vous laisse imaginer la tête du vendeur du rayon « TV & Multimédia » quand une forêt de bouleaux touffus et de pixels en pagaille a envahi tous ses écrans. Les jambes de Marie ont lâché d’un coup et toutes les images se sont stoppées net, comme une capture d’écran géante de sa dernière pensée. On a du la sortir à bout de bras à travers la foule de mécontents qui pensaient que la FNAC essayait de leur refourguer discrètement du Made in Taïpei. Sur un coup de tête vachement éclairé on a sauté dans ma vieille Mégane bleu rouille et on a filé vers chez son père, là-bas, dans ce no man’s land numérique qu’on appelle la Haute Savoie. Son père, c’est un génie. Un peu fou, comme il se doit. Il s’est dit que le mieux, plutôt que de chercher à la guérir, ce serait encore qu’elle apprenne à contrôler ses nouvelles facultés, pour les employer pour le bien de l’Art. Il a proposé une retraite dans un chalet, où il emmènerait chaque jour un système plus complexe que Marie devrait dompter.


Yvon, le papa génie un peu fou, il avait bien raison. Et quand Marie est revenue elle pouvait fréquenter, sans les craindre, smartphones et Playstations. Mais ce ne serait pas Marie s’il n’y aurait pas vraiment d’histoire si elle n’était pas revenue avec une idée en tête. Pendant sa retraite, à force d’explorer sa nouvelle connexion télépathique avec les machines, il lui était venu un projet. Pour vous l’expliquer simplement, prenons un jeu vidéo : vous savez comme c’est magique de découvrir un univers tout droit sorti de la tête d’artistes et de vivre une aventure à l’intérieur ? Vous voyez le rêve ultime des développeurs qui serait de mettre sur le marché des jeux en constante évolution ? Le rêve de Marie c’était de nous ouvrir son rêve, justement. De mettre sa tête en open source et ses inspirations en copyleft. Il nous a fallu un peu de temps pour être convaincus et c’était seulement à la condition que tout se fasse incognito. Immédiatement on s’est mis d’accord pour dire qu’il nous fallait un lieu – et un seul –pour mettre en place l’expérience. Si vous avez un peu suivi vous comprendrez vite que pour un projet illégal, discret et hautement subversif il n’y avait qu’un seul lieu qui s’imposait. De retour au Diamant d’Or, donc. Je vous passe l’installation, les mètres de câbles, les geeks de bonne volonté qui ont ramené Oculus Rifts, HTC Vive et tout ce qui pouvait plus ou moins contenir le champ de vision de Marie. Entre le FabLab et les garages on a rameuté tous les inventeurs incompris, tous les docteurs mabouls et les cyber bricolos du dimanche que compte le sol strasbourgeois. Aucun ne disait nous croire mais ils venaient quand-même, pour la beauté du geste. Parce qu’il n’y a rien de tel pour réunir une bande d’inconnus passionnés qui s’électrisent pour des chimères et qui rebootent le monde ensemble, à côté de la tireuse. Ils y ont passé des heures, à tout installer et configurer, en espérant secrètement que ça planterait encore et qu’il faudra revenir le vendredi d’après.  Pourtant à leur grande surprise, un jour, leur bric-à-brac élaboré s’est mis à fonctionner. Marie, assise dans un grand siège ergonomique basculé en arrière se promenait dans ses propres pensées. Depuis qu’on essayait on n’avait jamais encore réussi à les rendre pérennes, encore moins à y inviter quelqu’un d’autres. Et voilà que d’un coup Valentin, un brun barbu bourru et bien bourré, lâche un gros « putain » en essayant de se dresser dans son hamac. Il avait gardé son casque pour faire une petite sieste et il venait d’ouvrir les yeux.  Plongé dans un paysage étrange, il n’avait pas tout de suite pu dire s’il s’agissait d’un rêve ou de la réalité. Mais il avait touché son visage sans voir ses mains, senti le poids du casque et tout compris d’un coup.

Au tout début, les univers de Marie étaient effervescents. On pouvait littéralement suivre sa pensée au fur et à mesure que les arbres se dressaient, que les animaux surgissaient et qu’on plongeait sans prévenir dans des récifs mi-coraux, mi-forêt. Chaque apparition fulgurante s’évaporait en plein bond, en pleine croissance pour être remplacée par une nouvelle, deux mètres plus loin. Je nous revois tous, à rire comme des enfants, alors qu’on la poursuivait en essayant de deviner ce qui jaillirait ensuite. On ne voyait jamais Marie, seules ses créatures nous permettaient de savoir où se situait sa pensée. Mon petit plaisir personnel c’était d’attendre que tout le monde fasse une pause ou soit parti pour aller m’asseoir à côté d’elle et lever les yeux, pour regarder ensemble le ciel se peupler. Quand on était seules, elle prenait le temps de m’expliquer son rêve, sans un mot. Elle me montrait ses créatures inachevées ou imparfaites, ses premières esquisses de paysages futurs. Je montais des marches qui se dessinaient sous mes pieds et je voyais, littéralement, sa pensée à l’œuvre. Alors elle jouait moins du spectaculaire. Je me souviens m’être assise au bord d’un lac en noir et blanc, d’avoir regardé les saules pleureurs pousser doucement sur ses rives. Je regardais la surface de l’eau, anormalement lisse, quand des formes ont commencé à en émerger. C’était d’abord le chapeau transparent d’une méduse, puis une autre, qui sont venues crever la surface de l’eau. Des carpes ont suivi les méduses en flottaison, et bientôt s’orchestrait un ballet lent et complexe, réfléchi sur la surface du lac. Je me suis avancée dans l’eau et me suis laissée flotter. Je crois que j’ai passé une heure entière à regarder ses dessins vivre au-dessus de moi.

Au fur et à mesure des jours, la machine a appris à sauvegarder. On ne gambadait plus dans une ardoise magique où chaque souffle effaçait le dernier. Des paysages complexes ont commencé à germer, avec leurs écosystèmes, leur faune et leur flore. Des dimensions se sont incrustées dans d’autres dimensions et la course est devenue exploration. Parfois quand je revenais, après quelques heures d’absence, je foulais de nouvelles planètes, aux lois physiques chaotiques, aux perspectives inventées. Le bouche-à-oreille avait fait son effet malgré notre premier vœu de confidentialité. On offrait le monde mental de Marie comme on offre un voyage. Et je n’arrive pas à en vouloir aux gens, ça aurait été un crime de priver quelqu’un d’une telle expérience.  Il y avait une chose qu’on aurait dû anticiper. C’était évident, maintenant que j’y pense. L’œuvre totale ne voulait pas renoncer à sa créatrice. Quand la mémoire du hardware saturait, alors le lieu devenait fini. On pouvait en faire le tour. Mais Marie n’avait pas fini de créer. Alors elle recommençait tout, à zéro. Et chaque fois elle y passait un peu plus de temps. Des techniciens lui avaient bien proposé des algorithmes, des sauvegardes, des templates pour se faciliter la tâche, mais elle avait tout refusé. Elle n’avait jamais choisi la facilité jusqu’à maintenant et elle n’était pas prête à le faire. Tout doucement elle s’est absorbée dans son rêve. Ses yeux se sont remplis de glitches, comme ceux d’un Fremen, on ne voyait plus de blanc.

Aujourd’hui, alors que j’écris ces lignes, je l’attends. J’attends qu’elle sorte de son labyrinthe onirique pour revenir puiser du brut dans la vie. Parce que c’est aussi ça, Marie. C’est un médium. Toutes les formes nées de ses circuits neurones sont des morceaux de vrai qu’elle a sublimés. Alors j’attends. Je ne veux plus retourner dans son œuvre amnésique, parce que c’est une drogue, plus dure que celles qu’on a connu. Le nirvana n’est jamais là, mais il semble éternellement à portée. J’attends qu’elle sorte pour revenir vivre du brut et du tangible, du non effaçable, du non perfectible. Qu’elle trouve son équilibre et redevienne un médium.

FIN

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Léa Fizzala est journaliste de formation. C’est aux États-Unis qu’elle tombe dans la science-fiction en assistant au cours “Aliens, Cyborgs et voyage temporel dans la littérature de science-fiction” par le professeur Susan Bernardo. Elle glane dans ses missions des thèmes et des rencontres qui nourriront son travail d’écriture. À travers ses histoires, Léa tente de questionner la technologie tout en y infusant assez de poésie pour faire - peut-être - un peu rêver le lecteur. Elle a publié des nouvelles dans le magazine Galaxies SF et participé à deux recueils de nouvelles organisés par la maison d’édition Arkuiris.